Alec observait la jeune femme, gardant son air d'indifférence peint sur son visage. Mais intérieurement, il était curieux. La plupart des vampires évitent Volterra. La simple raison : lieu d'habitation des Volturi. Sa famille était crainte et respectée. Et aucun vampire voulant survivre ne se jetterait ainsi dans la gueule du loup. Non,
réflexion faite, cette expression sonnait trop à ses oreilles comme le rappel de leur combat contre ces chiens galeux de Modificateurs. Peu importait les termes, pour une fois. Lui, si friand habituellement de tournures de phrases belles et structurées, n'avait en cet instant qu'une idée en tête : cette vampire. Disons que cette soirée
s'annonçait plus prometteuse qu'une simple promenade. Il se dégageait de cette inconnue une aura de nervosité étonnante. D'un autre côté, il la comprenait. Face à un gamin de treize ans, qui en faisait au mieux une quinzaine, elle devait se douter qu'il était un Volturi. Il n'avait que l'apparence d'un gamin; il agissait et pensait comme un adulte. Toute cette nervosité qu'il sentait, sans y prendre goût, lui donna faim ; il espéra qu'Heidi aurait de quoi manger.

- Enchantée. Vous êtes un Volturi, n'est-ce pas ?

Alec ne répondit pas, mais cette fois, un sourire se dessina furtivement sur ses lèvres ; un sourire ni mauvais ni bon, juste un sourire amusé, comme si il s'attendait àce qu'elle dise cela. Et puis, ce mot. " Enchantée". Le pensait-elle réellement ? Autant prendre à bras le corps la mort, non ? Il fit un pas de plus en avant, et on
aurait presque pu avoir l'impression qu'il dansait avec le vent, ses pieds bougeant à la manière des ballrines, délicatement et lentement, comme un chat qui aurait eu peur de tomber. Alec planta son regard rouge dans les yeux de la vampire, mais plus aucune lueur d'amusement
n'y régnait. Il était temps, à présent, de cesser ses amusements et de savoir pourquoi elle était ici. De se renseigner, donc ; et peu lui importait si il devait ou non utiliser ses pouvoirs ; même si il espérait presque qu'elle l'y pousse et qu'il puisse jouer.

- J'étais simplement de passage, je peux m'en aller de suite si ma présence est de trop ici.

Tiens, elle voulait partir, maintenant ? Alec eut de nouveau le sourire rapide et amusé ; comme celui d'un geôlier face au prisonnier qui lui demande si il dérange et peu partir. Alec secoua lentement la tête, les yeux clos, un sourire qui n'annonçait rien de bon sur ses lèvres. Il
était ... Disons indifférent au physique de la vampire, il avait appris ce que c'était que d'être presque un enfant-vampire, et avait cessé de regarder ses congénères femelles comme des proies potentielles. Sa voix, basse et claire, résonna à son tour ; il n'en faisait pas souvent
usage, n'aimant pas à bavasser comme une pie.

- Vous avez donc compris où vous êtes. Volterra, cité des Volturis. Pourquoi être venue, si face à la mort, vous souhaitez fuir ?

Sa remarque n'était pas faite pour être contredite, elle n'était pas faite non plus pour qu'on lui réponde ; elle devait le comprendre au son de sa voix, au ton implacable. Il avait appris quelques trucs de Aro.

- Déclinez votre identité.

Il rouvrit lentement les paupières, fixant son regard de braises sur la vampire. Il aurait pu lui couper les sens, ou l'un d'eux au choix, sans effort, comme ça. Comme il aurait pu couper toute la ville avec, et sans effort également. Ca aurait pu être drôle, très drôle ; mais il n'en avait pas vraiment le droit. Les Volturis ne devaient pas se montrer au grand jour , et rester discrets. Mais il ne faisait rien de mal. Alec se demanda un instant si ramener à Aro une vampire qui avait souillé leur terre de ses pas aiderait son père adoptif ? Il soupira muettement, et passa la main dans ses cheveux, prenant une mine
involontairement boudeuse, d'un gamin de treize ans. Il se reprit néanmoins, et son visage redevint dur et inexpressif. Il n'aimait pas parler, préférant laisser la jeune femme faire son boulot pour deux ; et puis, lui n'avait pas à parler, c'était à elle de s'expliquer non ?
Il était curieux de voir ce qu'elle vallait. Il se demanda durant quelques secondes ce que pouvait bien faire Jane à cet instant, ainsi que Renata. Cette vampire, qui l'avait si énervé au début, commençait à lui plaire. Elle se montrait possessive, autoritaire, et Alec, sans trop s'en rendre compte, voyait en elle l'image d'une mère. Repoussant ses pensées aussi inutiles que idiotes, il fit un pas de plus vers la vampire. L'espace entre eux, rongé doucement et lentement, se faisait sentir : leur présence à chacun, plus proche, pouvait être sentie. Il renifla sans bruit, le goût de la nervosité, mais pas vraiment celle de
la peur : elle n'avait pas peur ? Il pouvait arranger cela. Un léger rictus orna ses lèvres.

- Vous n'avez pas peur de moi, même en sachant ce que je suis.

Une autre remarque, faites de sa voix à la fois mélodieuse et calme. En contraste, la nuit calme semblait tempête comparée à sa voix. Il pencha la tête sur le côté, ses cheveux cachant un instant son front de leurs mèches sombres, et il eut un sourire légèrement plus amical, durant quelques secondes, avant qu'il ne disparaisse derrière le masque de dureté. Il ne savait pas trop que faire. Attendre restait la meilleure solution ; une fois toutes les cartes en main, il pourrait décider du sort de cette vampire. Il évitait de trop se poser de question :
devait-il ou non l'amener à Aro restait la seule et l'unique qui voltigeait dans son esprit. Il évita de se mordiller la lèvre, cela n'aurait été ni très élégant ni très contrôlé de sa part. Il songea à Jane. Il se força à garder son calme légendaire, de toute façon, il se voyait très mal paniquer comme cela pour un rien. Mais le fait était le suivant : il y avait un vampire à Volterra; mais surtout, elle risquait
de se faire remarquer, et elle était donc un danger et une menace potentielle. Menace à éliminer, ou non ? Quoi qu'il fasse, Aro serait sûrement prévenu de ce qu'il avait fait, de ce qu'il n'avait pas fait également. C'était à lui de réfléchir, sur ce coup, et de prendre les bonnes décisions. Et ce qu'il décida, c'était ... disons d'amadouer la
jeune femme. Il savait jouer la comédie parfaitement, avec sa soeur ils faisaient cela souvent. Du moins ils le faisaient quand ils pouvaient encore se nourrir sans Heidi. Il n'y avait plus à présent l'art subtil de la chasse. Les proies qu'elle ramenait étaient toues comme lessivées, sans trop de réactions. Alec aimait entendre crier et gémir sous ses crocs. Voilà qu'il commençait à penser à tout cela, tellement la faim qui était en lui commençait à le brûler. Oui, il avait faim, et dès qu'il en aurait fini avec cette vampire, il irait inviter Jane à déjeuner, si elle n'avait pas encore dîné. Alec, dans un geste élégant,
tourna le dos à la vampire. Il n'avait pas peur qu'elle fuit : il pourrait la rattraper, et ça, elle le savait aussi. Qu'elle fuit devant un Volturi, mais qu'elle fuit loin. Alec regarda doucement le clocher, et l'heure qu'il était. Il était minuit passé. La lune, haute et ronde, éclairait les pavés comme le fantôme d'un astre. Alec resta ainsi quelques instants, puis se retourna de la même façon que précédemment,
avec une sorte de mouvement gracile et félin, tournant sur lui même sans que le vent ne le fouette. Tiens, il n'avait pas remarqué la légère pluie qui tombait. Il sentit une goutte lui piquer le nez de son eau glacée, et il fronça les sourcils, encore une fois en prenant un
air de gamin involontairement. Alec passa son index sur l'aile de son nez humide, et brisa la goutte entre son pouce et son index. Il n'aimait pas la pluie. Vraiment, il ne l'aimait pas. Ses yeux rougoyèrent plus intensément dans l'obscurité, comme deux braises ravivées, alors qu'il regardait la vampire avec un air enfin prit : un
air mécontent et énervé; on pouvait voir la lueur désapprobatrice dans ses yeux, et son rictus ombrageux au coin de ses lèvres.