Kayla, assise en tailleurs sur son lit, à trois heures du matin, semblait soucieuse et exaspérée. Ses cheveux retombaient devant ses yeux sombres, et sa mâchoire était crispée. Devant elle, sur les draps couleur émeraude, quelques coupures de journaux. Celles avec lesquelles elle se baladait depuis un certain temps déjà, pour les lire et les relire, incrédule et offensée. Six personnes mortes depuis environ quatre mois. Depuis environ son… coma. Mais Kayla ne fit pas le lien.
Six personnes avec, chacune et sans exception, le tatouage de la Marque des Ténèbres incrusté à jamais sur leurs bras et dans leurs âmes. Le Ministère était en déroute. Qui tuait les mangemorts? C’en était toujours un meurtre, et le « coupable » était « activement » recherché. Soit, pas d’indices, et le Ministère ne se foulait pas trop.
Une autre coupure de journal, bien plus vieille, proclamait le meurtre de Freddy Minas. Bien sûr. Kayla avait eu un sourire de triomphe en le voyant dans les journaux, deux jours après son retour à Poudlard, cette nuit là. Officiellement, son oncle s’était suicidé. Officieusement, bien sûr, la question persistait: pourquoi un homme aussi riche (bien qu’il vive dans un appartement en plein milieu du Londres moldu), avec la Marque, et qui pouvait facilement se faire une place au sein de n’importe quoi, s’était-il donné la mort? Mais peu de gens étaient au courant de l’enfant brimée qu’avait été Kayla, puis de l’adolescente torturée qu’elle était devenue à vivre chez lui.
Bref. À côté de tout ces morceaux de papier, un morceau de parchemin portant encore dix noms. En réalité, il devrait en comporter onze, mais Kayla avait volontairement fait l’impasse sur la dernière personne ayant tué ses parents. Ben voyons, elle n’avait déjà plus rien, elle n’allait pas non plus assassiner Nathan, qui était, avouons-le, la personne à laquelle elle tenait le plus au monde.

Dix-huit personnes. Dix-huit personnes avaient participé au meurtre de Jonathan et Meryann Storm. Une était rayée de la liste par pur intérêt personnel, une était morte de la main de Storm elle-même, et six autres avaient été tuées par… Gros point d’interrogation aux accents colériques.
Kayla était très personnelle. Ces hommes-là étaient à elle, et uniquement à elle. C’était elle qui devrait les tuer, et pas quelqu’un d’autre. Cette personne-là encourrait son courroux de manière spectaculaire, foi de vipère (et ce n’était même pas pour la rime).

Passablement agacée, Kayla jaillit de son lit. Il était très tard (ou très tôt) et ses « colocataires » dormaient paisiblement en faisant un ramdam d’enfer. Pas étonnant que les cernes sous les yeux de la Serpentard s’étalaient, avec trois filles qui ronflaient dans une même pièce… m’enfin, plus que quelques mois.
Attrapant toutes ses coupures de journal et le parchemin, elle les glissa dans sa poche avant de sortir de la pièce, habillée simplement d’un short léger et d’un t-shirt, avec par-dessus sa robe de sorcière (ben oui, hein, pour les poches.).
Elle savait où aller pour se détendre, mais n’avait point osé le faire jusqu’ici. Elle avait déjà vu des garçons tenter de monter les escaliers des filles, et les voir retomber en bas, éjectés violemment par lesdits escaliers avaient toujours été un spectacle amusant. Serait-ce la même chose dans le sens inverse?

Descendue à la salle commune, Storm fixa les escaliers opposés d’un air farouche. Comme s’ils allaient se transformer en escalator. Eh bien pourquoi pas… elle ne connaissait pas ce mot mais imaginait parfaitement les escaliers bouger pour les amener directement en haut. Comme le bureau du directeur. Ou de la directrice, pouvait-on dire désormais.
Et puis, il n’y avait personne dans la salle commune. Alors, autant essayer.

Fermant les yeux en se préparant au choc, Kayla posa un pied sur la première marche. Il ne se passa rien. Oh, les fourbes escaliers. Aussi Serpentard que ceux qui les foulaient! Fallait-il donc monter trois quatre marches avant de se faire expulser? Bah. Elle n’avait rien à perdre. Aussi la jeune femme continua-t-elle de monter, sans qu’il ne se passe rien. Arrivée en haut, elle rouvrit les paupières. Victoire. Maintenant, le deuxième combat: trouver la chambre de Nathan. Et surtout, surtout, ne pas tomber sur Caldin ou un autre Serpentard. Ce serait vraiment mauvais. Surtout pour lui, songea Kayla avec sadisme. Et surtout si c’était Caldin…
Finalement, la chambre ne fut pas si dure à trouver que ça. La seule portant l’insigne « P-e-C » ne pouvait qu’être celle du Préfet en Chef, et Nathan avait déjà laissé échapper qu’il y dormait seul. Deuxième victoire.
Sans frapper, Kayla poussa la porte et s’y glissa. Il avait beau être trois heures du matin, elle apprécierait d’avoir les théories de son petit ami sur la question de ces meurtres non élucidés.