« Et alors elle lui a dit... »
« Aaaah, mon ventre ! J’ai trop mangé »
« ...ta gueule ou je t’en remet... »
« Bah où tu vas Azriel ? »

Le Serpentard jeta un vague coup d’œil derrière lui, où la plupart de ses camarades de dortoir s’étaient affalés sur le canapé et jouaient à la bataille explosive. Il avait passé presque deux heures en leur compagnie, histoire de faire bonne figure, mais là, il était à bout.

« J’suis fatigué, je vais me coucher. »

Mensonge. Enfin, en partie. C’était surtout eux qui le fatiguaient. Azriell monta dans le dortoir et se jeta sur son lit sans prendre la peine de se déshabiller. Il se retourna sur le ventre, attira sa couverture au dessus des épaules et enfouit ses bras sous son oreiller. Moelleux, chaud et agréablement doux. Il ne connaissait rien de plus délicieux qu’une petite tanière de drap froissé et d’étoffes de soies argentines. L’esprit déjà embué et sombrant peu à peu dans une demi torpeur, Ariel se laissa envahir par les images éthérées du sommeil.

« Refait le encore, maman ! »
Dans une petite cuisine, décorée sobrement par des mains féminines (la dentelle accrochée à chaque pan de mur en témoignait), s’agitait une jeune femme à la chevelure auburn, le visage resplendissant de cet éclat que ne possèdent que les parents. Elle était svelte et plus que fine, et ses mains délicates le fascinaient bien plus que les tours de magie qu’elle effectuait avec un drôle de bâton. Elle fit tourner son poignet et le bouchon de liège posé sur la table fut frappé de plein fouet par un faisceau violacé. Alors, doucement, avec quelques spasmes, le bouchon s’agita, se redressa et, sous les yeux émerveillés du petit garçon, la matière se divisa puis se ressouda : la tête, le corps, les oreilles, les pattes, les sabots, le groin et même la minuscule queue en tire-bouchon. Azriel souleva le petit animal dans sa paume et le cochon émit un grognement dans sa direction. Le garçon éclata de rire puis se jeta dans les bras de sa mère.
« T’es trop forte ! Allez, fait un serpent maintenant ! »
La jeune femme sourit face à tant de bonne humeur et releva de nouveau le poignet.

Il ouvrit un œil. Puis deux. Ses paupières se décolèrent avec paresse. Il sentait son corps trop lourd le prier de se recoucher. Azriel s’appuya sur ses coudes, la bouche encore pâteuse, puis jeta un regard à ses camarades endormis. Hum. Le souvenir de son rêve revint le hanter alors qu’il posait les pieds sur le sol froid et qu’un frisson remontait le long de sa colonne vertébrale. Il passa sous la douche et le jet d’eau brutal le ramena à la réalité. Il resta ainsi de longues minutes, la tête levé vers le plafond, un mince sourire étiré sur ses lèvres. Lorsque l’eau se mit à refroidir, il sortit avec résignation et s’enveloppa rapidement dans une serviette.

Il était encore à moitié dans son rêve lorsqu’il mit le pied dehors.
Harmony et lui s’étaient donnés rendez-vous vers le lac, comme ils le faisaient souvent. Azriel appréciait ses instants passés avec la jeune femme, loin de toute autre présence. Il se sentait redevenir un peu plus lui-même, moins tapageur, moins violent. Elle avait toujours su comment s’y prendre avec lui.

Le jeune homme était assis sur la rive du lac lorsque la jolie brune daigna enfin le rejoindre. Il se redressa d’un mouvement et il referma ses bras autour d’elle, la serrant contre lui comme s’ils ne s’étaient pas vus depuis des jours. Lorsqu’il la relâcha, un sourire étirait ses lèvres.

« Bien sur que je te pardonne. »